Ça y est, j'ai décollé pour la Catalogne. Je suis dans un tout autre état d'esprit que lors de ma première escapade romaine. Disons que je suis redescendue sur terre. Ça a du bon, comme par exemple se souvenir que tout le monde il n'est pas beau, tout le monde il n'est pas gentil. Et du moins bon car je réalise enfin que mon auto-stoppeur à qui j'ai prêté 300 euros ne me remboursera pas (voir article ici).
Mais ce retour à la réalité était inévitable. Quand j'ai quitté mon travail, j'étais en pleine euphorie. Libérée de toutes obligations professionnelles, personnelles même artistiques, je pouvais partir les cheveux au vent avec cette énergie que j'aime tant. Celle qui te donne l'impression de littéralement voler. Celle qui te glisse à l'oreille que désormais tout est possible. Et celle qui t'amène à vivre des aventures fabuleuses sans que tu aies le temps de comprendre ce que tu es en train de vivre. Mon enfant intérieure s’est carrément éclatée pendant ces quelques semaines, à tel point qu'il était relativement dur pour mes amis et ma famille de me suivre. Le premier tour de moi-même m'a permis de réatterrir et je suis revenue plus sereine au pays.
Les derniers jours à Rome furent d'ailleurs exténuants. J'ai trop marché et pas suffisamment protégé mon corps. Et puis je n'ai pas trouvé de cocon reposant dans la capitale italienne. J'ai enchaîné les auberges de jeunesse pas chères et bien placées mais qui offrent une contrepartie bruyante et au confort limité. Dans des dortoirs de plus de 6 personnes, la probabilité de tomber sur un ronfleur, un lève-tôt ou un tousseur est très forte. Après, je reconnais ne pas m’être trop cassé la tête pour trouver mieux, je savais que c'était éphémère et qu'au retour mon lit et le silence m'attendait.
NOËL, JOYEUX NOËL
En rentrant c'était Noël alors on a mangé, et mangé et mangé encore. J'étais rassurée sur l'état de ma flore intestinale. J'avais pu réintroduire le gluten dans mon alimentation sans trop de dommages collatéraux. L'angoisse de la nourriture avait disparu. Cependant j'ai dû faire face à un nouvel événement : j'avais retrouvé mon plein appétit. Bonne nouvelle me direz-vous, mais avec lui était arrivé son meilleur ennemi : la gourmandise.
Je ne sais pas si vous vous souvenez mais mon pétage de câble était en grande partie lié à la nourriture. Je mangeais très déséquilibré. Porteuse de naissance d'une intolérance au fructose, je n'ai jamais pris le temps de bien apprendre à me nourrir. Résultat, avec l'acidité créée par le stress lié au travail et à la musique, ainsi que toutes ces pensées négatives que j'avais, ça a fait BOUM dans mon corps le soir du 31 décembre 2017. Au plus bas, en mai 2018, je ne pesais plus que 52 kilos pour 1,75m. Et aujourd'hui j'atteins presque les 70 kilos. Manifestement, j'assimile bien mieux.
“La gourmandise commence quand on n’a plus faim”
Alphonse Daudet
J'ai des envies en tout genre. C'est quasiment physique et ça ressemble presque à une addiction comme pour le tabac. Je cherche la raison, j'ai des idées.
Ma famille pour qui la nourriture est quasi une obsession est aux anges : « c'est bien », « je suis soulagée », « il vaut mieux ça que d'être trop maigre », « tu nous as fait tellement peur, profite.» Je ne suis pas bien convaincue. Je cherche l'équilibre pas l'excès. Et puis j'ai dû me racheter des jeans. Aïe.
ET MAINTENANT JE FAIS QUOI
Donc vous l'aurez compris, j'ai mangé plus que de raison pendant les fêtes. Début janvier, après un joli tour dans les montagnes pyrénéennes où on a bien rigolé avec les copains, j'ai commencé à penser à ma nouvelle échappée marocaine.
Il a longtemps été question de l'Egypte avec une amie pour ensuite rejoindre le Maroc par Casablanca, mais c'est finalement seule que je débute l'aventure. Le royaume Marocain s'est très tôt immiscé dans mon esprit de baroudeuse. Après quelques recherches il s'est avéré que contrairement aux idées reçues que j'avais, il s'agit d'un des pays les plus sûrs pour voyager seule, surtout en tant que femme. Et là-bas, je vais retrouver mes grands-parents paternels qui séjournent chaque année à Agadir. A 91 ans et 87 ans, je vous avoue qu'ils me scotchent littéralement par leur ouverture d'esprit et leur énergie. Ils appliquent naturellement le dicton : « chaque jour marche, ris et joue » le fameux secret d'une jeunesse éternelle.
Je pars également remettre en jeu l'image de ce peuple, quelque peu mis à mal dans mon esprit. À 12 ans avec ma sœur, nous étions dans un ranch à côté d'Agadir où mes grands-parents s'installaient avec leur camping-car. Laissées sans surveillance nous nous sommes fait voler nos valises. L'impact sur le moral fut énorme : nous avions perdu tous nos habits. Terrible. Même mon maillot de Thierry Henry avait disparu. Avec le recul, dans n'importe quel pays où vous n'êtes pas vigilants, une histoire identique peut se reproduire et vous risquez de n'avoir que vos yeux pour pleurer, comme nous. Cependant j'étais tellement dégoutée que j'avais un désamour prononcé pour les Marocains.
Débuter le tour de moi-même inclut le pari de remettre sur le tapis certains préjugés. Aller visiter le Maroc en tant qu'adulte vaccinée en fait partie car j’ai envie de lui tendre la main à nouveau. Et maintenant j'ai un sac à dos et non plus une valise, pas folle la guêpe ! De plus j'habite quartier du Maroc à Saint-Gilles-Croix-de-Vie et mon chat s'appelle Omar. Coïncidence… je ne crois pas ah ah.
C'EST QUAND QU'ON ARRRIVE
Vous ne l'avez sans doute pas remarqué mais j'ai avancé mon séjour d'une semaine. Je commençais à trouver le temps long. Non pas que je m'ennuyais mais je ne suis pas vraiment habituée à ne rien faire de professionnel. L'inspiration pour mon blog n'était pas au rendez-vous. J'étais carrement une blogueuse constipée. J'avais plein de sujets que je voulais aborder mais aucun ne voulait sortir dignement. C'était pas le moment. J'ai également profité de ce mois d'accalmie pour rendre visite à mes amis sur Paris. J'ai enfin pu aller voir des gens à qui je disais depuis 5 ans « promis je vais venir ! ». I did it ! D'ailleurs merci à mon meilleur ami et sa girlfriend pour leur accueil et surtout pour leur prêt de chambre, la prochaine fois on fait ça quand vous êtes là ah ah.
PRÊTE OU PAS PRÊTE
C'était décidé, je partais au Maroc. Et ça sonnait léger. J'aime bien quand c'est léger. Cependant mon cerveau était en ébullition. Il se demandait quel était le fil rouge de mon voyage. Pourquoi continuer à voyager alors que j'allais bien mieux ? En arrivant à l'aéroport au retour de Rome, j'ai même dit à Christelle, mon amie-taxi-driveuse-sauveuse du jour : « je me sens prête à retravailler ». Elle m'a regardée, avec respect, et m'a répondu : « tu crois que tu es prête mais tu ne l'es pas. Profite de ce voyage. Prends le temps de vivre ». Christelle a presque 50 ans. Elle est la survivante d'un burnout survenu il y a 3 ans, dont elle subit toujours les conséquences. Elle était directrice d'une station-service d'autoroute depuis plus de 10 ans. Son déclic, sa goutte d'eau ? Abby sa petite nièce, décédée d'un cancer alors qu'elle n'avait pas deux ans. “Elle a lutté deux ans pour vivre alors j'ai décidé de commencer à vivre et non plus à survivre”.
Son conseil résonne en moi. Il est donné par la bonne personne au bon moment.
J'ai pourtant débuté mes recherches de saison d'été en tentant de constituer mon CV. Je liste les endroits où j'ai un bon feeling. Je sais juste que je veux travailler dans le tourisme pour cette année. J'essaye. J'essaye de le faire ce foutu CV mais malgré ma bonne volonté je n'y parviens pas, c'est plus fort que moi. Mon corps se remet un peu à déconner : je stresse. Qu'est-ce-que je vais faire en rentrant ? Qu'est-ce-qui m'attend ensuite ? Où vais-je aller ? Comment vais-je faire pour m'en sortir ? J'anticipe. Et puis soudain je prends conscience... à quoi bon, je ne suis pas prête. Je dois vivre ce voyage. Je ne serai pas la même dans quelques mois. Christelle avait raison…
J'ai cherché du travail car les habitudes reviennent au galop. Je me sens presque fainéante à être chez moi. Je culpabilise. Ce sont mes anciennes valeurs qui refont surface. Celles qui te font croire que si tu ne bosses pas d'arrache-pied tu es un faible et que tu ne vaux rien. Cette croyance limitante a repointé le bout de son nez. Pourtant je n'y crois plus du tout car je connais autant de travailleurs fainéants que de chômeurs courageux.
Einstein disait : « Tout le monde est un génie. Et si vous jugez un poisson sur sa capacité à grimper aux arbres, il passera sa vie à croire qu'il est stupide » Et j'ai un peu la sensation d'avoir été ce poisson qui se sent stupide. Lorsqu'on me demandait quel travail je faisais, je parvenais simplement à répondre « je suis dans le commerce ». Je devais me pincer pour parvenir à dire que j'étais directrice de magasin. J'avais presque le syndrome de l'imposteur. Je n'assumais pas. Mais pourquoi ?
STONE, LE MONDE EST STONE
Donc, après quelques semaines à me casser les dents sur un CV que je ne parvenais pas à faire, j'ai pris la décision d’arrêter. Je vais suivre le flot de la vie et arrêter de nager à contre-courant. La raison de mon blocage est aussi claire que transparente : je ne sais pas ce que je veux faire plus tard. J'ai déjà vu le conseiller d'orientation puisque j'ai fait un bilan de compétences. J'ai plusieurs pistes. Je redécouvre peu à peu ce que j'aime, plus sereinement, sans cet emballement caractéristique qui me foudroyait toutes les cinq minutes fin 2018. Je plante des graines. Je les regarde pousser. Je pense à une formation dans le domaine du bien-être et de la nutrition. Et plus tard sur le traitement par les plantes. Énormément de gens cumulent des emplois comme l'enseignement, le coaching, le milieu artistique. Ou sinon, je me verrais bien officiante c'est-à-dire organisatrice de cérémonie laïque. Ça me fait marrer et ça me plaît en même temps.
J'exclus déjà tout un tas de domaines où la hiérarchie est trop présente. Je sais que je veux être en free-lance ou en collaboration. Je sais que je veux aider les gens. Je sais que je veux pouvoir sortir de derrière le bureau. Je sais que je veux pouvoir gérer mon emploi du temps. Je sais que je veux toujours avoir le temps de réfléchir sur la vie, sur mon environnement. J'avance, pas à pas, sans me presser.
QU'EST-CE-QUE VOUS NOUS FAITES LÀ MADAME ?
Durant ces dernières semaines, je me suis même réinterrogée pour savoir ce qui m'était vraiment arrivé durant cette année 2018. Je me demande quelle maladie je nous ai pondue. Était-ce vraiment un burnout ou plutôt une pure dépression ? Était-ce du stress chronique ou asthénie nerveuse ? Ça venait du corps ou de la tête ?
J'ai toujours pas la réponse. J'ai encore besoin de prendre du recul. Ce que je sais c'est que ma flore intestinale n'est toujours pas au top. J'ai effectué un test récemment qui s'appelle le test MSQ du professeur Lallement. Il permet d'établir si vous avez une flore intestinale équilibrée en fonction de divers symptômes physiques. Le test est sur 100 et il faut tendre vers le 0. Je suis à 37. Mais je me soigne ! Je lis énormément de livres sur le sujet pour comprendre. Et j'y vois de plus en plus clair. Déjà, en stoppant toute activité professionnelle, j'ai permis à mes intestins de respirer car ils sont soumis à beaucoup moins de stress. Cependant, je suis encore loin du 0. Je lis actuellement un ouvrage sur l'équilibre acido-basique et je crois qu'une partie de mes difficultés viennent de là. J’'avoue que je suis tentée d'ouvrir une section ALIMENTATION dans mon blog…
COUCOU C'EST NOUS
Je crois que je vous ai pas dit mais j'ai eu la bonne surprise d'être sollicitée pour écrire une newsletter à destination de l'association d'intolérants au fructose dont je fais partie. Elle s'intitule « une fructosémique en voyage ». Merci Virginie pour ça.
JE SAIS QUE TU SAIS QUE JE SAIS TU SAIS
En définitif, le fil rouge de mon voyage était tellement évident que je ne le voyais plus : apprendre à me connaître. Voyager me permet d’accélérer la reconstruction après avoir snobé mon corps pendant tant d'années.
Je veux également apprendre à ne plus avoir peur. Peur de moi. Peur de m'aimer J'en ai assez de me regarder dans un miroir et de me trouver laide. Une amie m'a dit il y a très peu de temps “une dépression c'est quand tu te regardes dans un miroir et que tu ne te reconnais plus car tu es très loin de la personne que tu as rêvé d'être”. J'ai envie de remplacer dépression par mal-être. Ça me paraît plus juste. Ça me paraît plus vrai.
ON THE ROAD AGAIN VERS L'AVENTURE
Depuis que j'ai pris conscience que je ne m'aimais pas, que je n'étais pas heureuse, j’ai décidé d'enlever le pilote automatique de ma vie. Je reprends les commandes de la machine même si je ne sais pas encore conduire. J'apprends en autodidacte à l'aide de développement personnel et de douceur. Un cocktail étonnant, qui prend un certain temps. D'ici quelques mois je parviendrai surement à la paix, al interior de mì.
MOI-MÊME TU SAIS
Partir, seule, c'est avoir la possibilité et presque la nécessité de se demander plusieurs fois par jour « comment je vais », « qu'est-ce-que j'ai envie de faire » et plus loin encore « qui-suis-je aujourd'hui », « qu'est-ce-que la vie me réserve ? ». Et tu es seule face aux réponses de ton corps et de ton intuition. Ça peut donner le vertige. C'est aussi très riche en enseignements.
LÂCHER OOOOOOOH LÂCHER
Je veux continuer à lâcher prise. Je veux le faire ce tour de moi-même. J'en ai besoin. Pendant des années, j'étais comme une enfant qui s'accrochait à un jouet qu'on lui avait offert mais qu'elle n'aimait plus vraiment. Elle le gardait désespérément, ne sachant pas bien comment faire pour trouver mieux. Le plus simple aurait été de le laisser tomber parce que quand vous avez les deux mains prises, comment voulez vous pouvoir saisir autre chose qui vous plaît plus ? C'est impossible. Sans lâcher-prise on est comme des manchots de l'opportunité.
J'étais cette enfant. Et je n'ai pas voulu poser ce cadeau car l'une de mes citations favorites était d'André Maurois et elle énonçait l'idée “qu'on cherche son bonheur comme on cherche ses lunettes, quand on les a sur le nez. » Je croyais avoir tout ce qu'il me fallait pour être heureuse. Cette citation me faisait tenir, persuadée que j'étais trop aveugle pour voir que tout allait bien. Mais non. Ça n'allait pas du tout et il m'a fallu un beau pétage de câble haut en couleurs pour m'en rendre compte. À chacun sa technique j'ai envie de dire !
Le bonheur est ailleurs alors... mais où ? Bouddha nous donne un coup de pouce quand il nous dit :
« Le bonheur n'est pas chose aisée : il est très difficile de le trouver en soi, il est également impossible de le trouver ailleurs ».
Serait-ce donc cette fameuse paix intérieure dont parlent Kung Fu Panda et son cousin le Dalaï-lama ?
5,4,3,2,1… c'est parti les touristes !
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